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Le hadith de Ghadîr Khum
Réfutation tirée du livre du cheikh Othman Al Khames intitulé Hoqba min al Tarikh.
Le hadith de Ghadîr Khum constitue l'argument majeur pour les partisans de cet avis, à tel point qu'il fut l'objet d'un ouvrage de onze volumes: Kitâb al-Ghadîr.
Ce hadith est rapporté par l'Imam Muslim dans son Sahîh (n°2408) d'après Zayd Ibn Arqam (raa) qui a dit: "Un jour le Messager d'Allah (sallallahi wa alayhi wa salam) nous fit un sermon aux bords d'une mare appelé Khum entre La Mecque et Médine. Il loua Allah, Lui rendit hommage, sermonna et rappela.
Et puis il (sallallahi wa alayhi wa salam) dit: "Le Messager d'Allah (l'Ange de la mort) ne va plus tarder à venir m'appeler et je répondrai à son appel. Je vous léguerai deux héritages lourds: le premier est le Livre d'Allah contenant la voie droite et la lumière." Il exhorta alors les gens à s'attacher au Livre d'Allah. Et puis il (sallallahi wa alayhi wa salam) dit: "Et les membres de ma famille, je vous rappelle Allah à l'égard des membres de ma famille."
Husayn - le narrateur des propos de Zayd Ibn Arqam - demanda à Zayd: "Qui son les membres de sa famille ? Ses épouses ne font-elles pas partie de sa famille ?"
Et Zayd de répondre: "Ses épouses font partie de sa famille mais sa famille est surtout consituée de ceux à qui il est interdit de recevoir l'aumône après lui. "Et qui sont-ils ?" demanda Husayn. "La famille de 'Ali, la famille d'Aqîl, la famille de Ja'far, la famille de 'Abbâs. L'aumône leur est interdite" répondit Zayd.
D'autres versions de ce hadith sont rapportées par al-Thirmidhî (n° 3713), Ahmad (5/347), al-Nisâ'î dans son ouvrage al-Khasâ'is 'Ali (79), al-Hâkim (3/110). Dans ces versions on trouve les ajouts suivants: "Celui dont je suis le maître, 'Ali est son maître". "Ô Allah, sois l'allié de celui qui le prend pour allié, et l'ennemi de celui qui le prend pour ennemi. Secours celui qui le secourt, trahis celui le trahit et entoure-le constamment de la vérité."
Il en existe bien d'autres qu'il est inutile de citer ici.
L'essentiel est que le hadith rapporté dans le Sahîh Muslim ne contient pas "Celui dont je suis le maître, 'Ali est son maître"; on trouve cependant cet ajout chez al-Tirmidhî, Ahmad, al-Nisaî, al-Hâkim et d'autres, et la version est rapportée avec des chaînes de transmission authentiques remontant jusqu'au Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam). Quant aux autres ajouts comme:" Ô Allah, sois l'Allié de celui qui le prend pour allié, et l'ennemi de celui qui le prend pour ennemi ...", ils ont été considérés comme authentiques par quelques traditionnistes, mais en réalité ils ne le sont pas. Tandis que l'ajout " Secours celui qui le secourt, trahis celui qui le trahit et entoure le constament de la vérité" est un pur mensonge faussement attribué au Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam).
Ce hadith sert d'argument pour les gens de l'innovation pour prouver que 'Ali (radiyallahu anh) est le premier successeur légitime du Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam) puisqu'il dit "Celui dont je suis le maître, Ali est son maître". Ils comprennent ce propos dans le sens que 'Alî est le calife et le maître, c'est-à-dire le gouverneur à qui on doit obéissance. Telle est la signification qu'ils donnent aux termes de ce hadith.
Le hadith est rapporté aussi d'après 'Alî (radiyallahu anh). Qand il était dans l'enceinte de la mosquée de Kûfa, il demanda: "Qui parmi vous entendit le Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam) dire le jour du Ghadîr: "Celui dont je suis le maître, 'Ali est son maître"?" [Source sunnite: Al-Albânî, al-Silisila al-Sahîha (1750)] Douze Compagnons ayant pris part à la bataille de Badr témoignèrent l'avoir entendu.
Pourquoi le Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam) dit-il celà à propos de 'Alî (radiyallahu anh) ?
Les chiites prétendent que le Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam) rassembla les gens en pleine canicule à al-Juhfa où se trouvait la marre de Khum. Ils étaient plus de cent mille personnes, ca ce lieu était un carrefour pour les pèlerins. Il se réunit avec eux pour leur faire savoir que: "Celui dont je suis le maître, 'Alî est son maître" [Source sunnite: Ahmad, (1/84 et 152)]; puis ils ajoutent les versions supplémentaires citées plus haut.
En réalité, le Prophète (saws) a tenu ce discours pour deux raisons:
La première raison: Burayda Ibn al-Husayb (raa) dit: "Khalîd dépêcha un émissaire auprès du Messager (saws) lui demandant d'envoyer un quelqu'un prendre le quint du butin (Le Prophète (saws) avait envoyé Khâlid Ibn al-Walîd pour conquérir le Yémen. Après sa victoire, Khâlid demanda qu'on lui envoie un émissaire récupérer le cinquième du butin.). 'Alî fut envoyé et prit le quint, puis il choisit une jeune captive du cinquième et partagea le lit avec elle." ('Alî prit le quint du butin et choisit une femme parmi les captifs avec laquelle il partagea son lit puis se purifia de la janâba (impureté majeure). Burayda dit ensuite: "Je détestais 'Alî et après qu'il se lava je dis à Kha^lid: "Ne vois-tu pas ce qu'il vient de faire ?"
Quand nous fûmes de retour auprès du Prophète (saws), je lui racontai cette affaire.
- Ô Burayda, me dit-il, hais-tu 'Alî ?
- Oui, répondis-je.
- Ne le hais point, reprit le Prophète (saws), il a droit à une plus grande part du butin que cela." [Source: Boukhari (4350).]
Dans une autre version du hadith [Source: Al-Tirmidhî (3712).], le Prophète (saws) dit à Burayda: "Celui dont je suis le maître, 'Alî est son maître."
La deuxième raison: Al-Bayhaqî rapporte d'après Abû Sa'îd que 'Alî, en revenant avec les hommes du Yémen, leur interdit de monter les chameaux destinés à l'aumône. Il nomma un homme chef du groupe et les devança pour se rendre chez le Prophète (saws). Chemin faisant, le chef leur permit de monter les chameaux. Quand il le rejoignirent, il vit que les chameaux avaient été montés, il se mit en colère et adressa des reproches au chef du groupe.
Abû Sa'îd dit: "Quand nous rencontrâmes le Prophète (saws), nous lui racontâmes combien 'Alî avait été dur et incommode avec nous". Dans une autre version du hadith, il s'agit d'habits qu'ils voulaient porter mais 'Alî le leur interdit. Et le Prophète (saws) de déclarer: "Ô Sa'd Ibn Mâlik - C'est-à-dire Abû Sa'îd ne tiens pas de tels propos au sujet de ton frère 'Alî, je jure par Allah qu'il a bien agi dans la voie d'Allah."
Ibn Kathîr dit à propos de ce hadith qu'il a une bonne chaîne de transmission selon les conditions d'al-Nasâ'î et qu'il est rapporté par al-Bayhaqî et d'autres.
Ibn Kathîr dit:"Les commérages à propos de 'Alî se sont multipliés, car il leur avait interdit l'accès aux chameaux de l'aumône et le port des habits du butin, chose que son délégué leur permit. Seul Allah connaît la vérité. Quand le Prophète (saws) revint de son pèlerinage après avoir accompli ses rites sacrés, il passa par Ghadîr Khum sur son chemin vers Médine. Il se leva et pronoça un discours innocentant 'Alî, lui rendant hommage, et étalant ses vertus pour supprimer toutes les rancunes contenues dans les coeurs de nombre de gens. [Source sunnite: Al Bidâya wa am-Nihâya (5/95)]
Voici donc les raisons du discours de Ghadîr Khum. On avait médit 'Alî. Mais le Prophète (saws) retarda son discours jusqu'à son retour à Médine. Il ne voulait pas parler alors qu'il était à la Mecque durant les jours de Mina ou le Jour de 'Arafa. Pourquoi ? Parce que cette question concernait particulièrement les gens de Médine. Ceux qui avaient médit 'Alî (radiyallahu anh) sont des Médinois partis en campagne militaire avec 'Alî.
Ghadîr Khum se trouve sur le site d'al-Juhfa qui est à deux cent cinquante
km de la Mecque. Menteur est celui qui prétend que c'est un carrefour pour
les pèlerins. C'est la Mecque qui est le lieu de rassemblement des pèlerins
et leur carrefour. D'ailleurs comment pourrait-il y avoir un carrefour de
pèlerins à deux cent cinquante kilomètres de la Mecque ?
Les Mecquois restent dans leur ville, les gens de Tâ'îf rentrent chez eux, de
même que les Yéménites, les Irakiens ainsi que ceux qui achèvent les cultes
de leur pèlerinage et retournent dans leur ville ou pays. Les tribus arabes,
elles, retrouvent leurs camps. Ainsi il n'y avait que les gens de Médine
sainte. Ils composaient son auditoire lors du discours où il (sallallahi wa
alayhi wa salam) dit: "Celui dont je suis le maître, 'Alî est son maître." La
divergence entres les sunnites et les chiites ne concerne pas la véracité du
hadith mais son interprétation. Les chiites le comprennent comme suit:
celui dont je suis le souverain (walî), 'Alî est son souverain. Alors que les
sunnites l'entendent autrement et disent que la signification du propos va
dans le sens du soutien et de l'amour, par opposition à l'inimitié.
L'interprétation des sunnites est appuyée par les preuves suivantes:
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L'ajout considéré dans certaines versions du hadith, comme authentique par quelques traditionistes: "Ô Allah ! Sois l'allié de celui qui le prend pour allié, et sois l'ennemi de celui qui le prend pour ennemi". Les termes alliance (walâ') et inimitié expliquent bien le propos: "Alî est aussi son mawlâ (maître dans le sens allié)". Il est question de l'amour que les gens doivent à 'Alî (radiyallahu anh).
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La halte du Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam) en ce lieu ne visait pas 'Alî au premier plan, quoique ce dernier mérite plus, mais la halte près de cette mare avait été décidée pour permettre aux voyageurs de se reposer. En effet, le voyage entre la Mecque et Médine était très long et le Prophète (Sallallahi wa alayhi wa salam) se reposait plus d'une fois. Il rappela alors aux gens le Livre divin et les Gens de sa maison, leur indiquant qu'on leur doit respect, révérence et observance. Il attira l'attention par la suite sur ce qui s'était passé à propos de 'Alî et dit: "Celui dont je suis le mawlâ (maître, allié), 'Alî est aussi son mawlâ."
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La signification du terme "mawlâ" (maître) est comme l'explique Ibn al-Athîr le seigneur, le propriétaire, le dispensateur de biens, le victorieux, l'aimant, l'allié, l'esclave, l'affranchi, le cousin, le gendre. [source:Ibn Athîr, al-Nihâya fî gharîb al-Hadîth (5/228)]. Tout ces sens peuvent être rendus par le terme mawlâ chez les Arabes.
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Le hadith ne comporte rien qui signifie l'attribution de l'Imamat. En effet, si le prophète (saws) voulait désigner un successeur, il n'aurait pas utilisé un terme aussi polysémique l'a décrit Ibn al-Athîr. Il aurait pu dire: 'Alî est mon successeur, ou 'Alî est l'Imam après moi, ou si je meurs, obéissez-lui. Mais il n'a pas utilisé un terme qui ne laisse aucune confusion et qui couperait court à une éventuelle divergence. Il s'est contenté de dire: "Celui dont je suis le mawlâ (maître, allié), 'Alî est aussi son mawlâ."
Al-Nûri al-Tabrasî (très grand savant chiite), l'un des grands doctes chiites, dit:"Le prophète saws n'a pas été explicite le jour de Ghadîr Khum dans la désignation de Ali raa comme son successeur, mais il en a fait allusion dans des propos concis qui prêtent à plusieurs interprétations. Le sens nécessite en fait des preuves" Fasl alKhitâb, (page 205-206)
Dans le verset coranique nous lisons: {Aujourd'hui donc, on n'acceptera de rançon ni de vous ni de ceux qui ont mécru. Votre asile est le Feu: c'est lui qui est votre compagnon (mawlâ) inséprarable. Et quelle mauvaise destination} (al-Hadîd : 15). Le feu a été désigné par le terme mawlâ (traduit ici par compagnon) pour la force de son attachement et de sa communion avec les mécréants, qu'Allah nous en protège.
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"Allié" est un attribut constant de 'Alî (radiyallahu anh) pendant la vie du Messager d'Allah (sallallahi wa alayhi wa salam) et après sa mort, et après la mort de 'Alî lui même. Alî était allié (mawlâ) des bons croyants durant la vie et après la mort du Messager (sallallahi wa alayhi wa salam), et après sa propre mort. Il est notre allié comme le dit le Saint Coran: {Vous n'avez d'autres alliés qu'Allah, Son Messager et les croyants qui accomplissent la Salât, s'acquittent de la Zakât, et s'inclinent (devant Allah)} (al-Mâ'ida:55) or 'Alî se trouve à la tête des croyants.
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Si le prophète (sallallahi wa alayhi wa salam) voulait signifier "le dirigeant" (wâlî), il n'aurait pas utilisé le terme mawlâ. Les deux termes diffèrent de sens, le premier est issu du domaine de la gouvernance, le second entre dans le champ sémantique de l'amour et du soutien. Allah dit dans le Coran: {Si vous vous repentez à Allahc'est que vos coeurs ont fléchi. Mais si vous vous soutenez l'une l'autre contre le Prophète, alors ses alliés (mawlâ) seront Allah, Jibrîl et les vertueux d'entre les croyants, et les Anges sont par surcroît [son] soutien.} (al-Tahrîm:4). Le terme est issu de l'amour, du soutien et de l'alliance.
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Allah dit dans le Saint Coran à propos de la nation d'Ibrahîm (as): {Certes les hommes les plus dignes de se réclamer d'Ibrahîm, sont ceux qui l'ont suivi, ainsi que ce Prophète-ci, et ceux qui ont la foi. Et Allah est l'Allié des croyants} (Âl- 'Imrân: 68). Cela ne signifie point qu'ils sont supérieurs à Ibrahîm. Au contraire, c'est lui plutôt qui est leur guide et leur chef.
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L'Imam Shâf'î dit à propos du hadith de Zayd: il entend par là l'alliance de l'Islam (walâ al-Islam) conformément au verset coranique: {C'est qu'Allah est vraiment le Protecteur de ceux qui ont cru; tandis que les mécréants n'ont pas de protecteur.} (Muhammad:11). [Source: Ibn al-Athîr, al-Nihâya fî gharîb al-Hadîth (5/228)] Le hadith ne signifie point que 'Alî (radiyallahu anh) est le premier successeur légitime du Prophète (sallallahi wa alayhi wa salam), mais il indique plutôt qu'il est un allié d'Allah à qui on doit la fidélité (al-Muwâlâ), c'est-à-dire l'amour, le soutien et l'appui.
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